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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 17
Nom de l'œuvre : Entre infini et au-delà Nom du chapitre : Invece no
Écrit par Cyrlight Chapitre publié le : 22/10/2013 à 18:23
Œuvre lue 89006 fois Dernière édition le : 4/7/2016 à 20:53
- C'est d'accord, finit par déclarer Cassy en pivotant sur son siège. Je veux bien venir travailler au laboratoire du professeur Chen. Par contre, j'aimerais qu'on ne me pose pas trop de questions.
- C'est-à-dire ?
- À propos de ma vie privée, et de tout ce qu'il n'est pas nécessaire aux autres de savoir.
- Pas de problème, accepta Régis, pensant sans doute qu'elle devait être timide et réservée. J'irai parler à ton institutrice : il te faudra obtenir sa bénédiction, mais cela ne devrait pas difficile.

Il lui adressa un sourire chaleureux qui, une fois encore, contracta son estomac dans un spasme douloureux. Pourquoi ne pouvait-elle pas le voir pour qui il était vraiment, au lieu d'avoir sans cesse l'image de son frère qui lui revenait à l'esprit ? Il n'était pas lui, bon sang ! Éric n'était plus, désormais. Il faudrait qu'elle se fasse à cette triste réalité plutôt que d'attendre désespérément un signe rassurant de sa part.

Cassy continua à prendre des notes avec applications. Plusieurs fois, Régis se rendit au tableau pour leur expliquer un phénomène typique de la pokémonologie ou leur donner divers conseils sur le comportement à adopter en présence des créatures parmi lesquelles ils vivaient. La fillette préférait se concentrer sur son travail, quitte à s'y noyer, que de perdre une nouvelle fois la face en assimilant son passé à toute caractéristique qui pourrait y être semblable dans le présent.

Lorsqu'arriva la fin des cours, les élèves jetèrent pêle-mêle leurs affaires dans leur cartable et se précipitèrent dehors, après avoir brièvement remercié Régis pour sa visite. Ce dernier leur avait adressé un clin d'oeil collectif, puis patienta à côté du pupitre de Cassy pendant qu'elle bouclait son sac pour aller parler à l'enseignante.

La fillette avait peur de sa réaction. Elle avait tout fait pour être acceptée dans cette école, malgré les réticences et son âge trop élevé, et voilà qu'elle songeait déjà à partir après un trimestre à peine. Qu'allait dire l'institutrice ? La réprimanderait-elle ? Ou lui interdirait-elle seulement de partir ?

Régis commença par lui exposer la proposition qu'il lui avait faite. Il s'attarda sur les avantages que cela lui offrirait si elle venait travailler chez le professeur Chen. La femme écouta patiemment, hochant parfois la tête pour montrer qu'elle suivait ses explications, contrairement à Cassy qui n'entendait même pas, inquiète au sujet de la réponse à venir. Elle s'en voulait d'avoir presque fait un caprice pour être admise dans cette école qu'elle voulait désormais quitter.

- Ma foi, c'est sûrement ce qu'il y a de mieux, affirma la quinquagénaire. Tu es une très bonne élève, je te regretterai. Je pense néanmoins que Régis a raison, tu finiras par te lasser ici. C'est ce que je craignais depuis le début, d'où mon hésitation à t'accepter parmi nous. Je savais à quel point ce serait difficile pour toi de patienter pour apprendre au même rythme que les autres quand tu étais beaucoup plus rapide. Heureusement, voilà qu'une autre initiative s'offre à toi.
- Alors vous êtes d'accord ? Je peux partir chez le professeur Chen ?
- Je n'y vois aucune objection. Tu seras sans doute plus à ta place là-bas, et probablement plus utile, aussi. Je te demanderai toutefois de ne pas quitter l'école avant vendredi soir. Tu n'as pas oublié que les examens trimestriels doivent se dérouler à la fin de la semaine ? Même si tu t'en vas ensuite, j'aimerais que tu les passes, afin de terminer au moins une période dans les formes.
- C'est une excellente idée, approuva Régis. Je ne travaille pas les week-end, aussi pourrais-je venir te chercher ici samedi matin. Comme tu ne dois pas savoir où se trouve le laboratoire de mon grand-père, je t'y conduirai. Ça te laissera également le temps de préparer tes affaires et d'avertir ta famille. Tes parents vont sans doute être très heureux pour toi.
- Oui... Fous de joie, même, répondit mollement la fillette, le regard vide.

Alors qu'ils étaient encore en train de discuter, les deux journalistes, qui les avaient rejoints en fin d'après-midi, pénétrèrent dans la salle de classe. Ils étaient sortis pour aller demander aux les élèves de se tenir prêts pour la photo de groupe. Cassy avait osé espérer qu'ils renonceraient à cette idée et qu'ils se contenteraient simplement d'écrire quelques lignes dans une gazette locale, sans illustration, mais c'était sans compter sur sa malchance habituelle. Il était à présent trop tard pour inventer une excuse.

En proie à une véritable crise de panique doublée d'une joute mentale pour savoir qu'elle était la meilleure option qui s'offrait à elle -hormis prendre la fuite à vive allure ou se faire défigurer dans les secondes à venir-, elle suivit Régis et l'institutrice hors de la salle de classe.

Les enfants étaient déjà alignés, les moins grands assis au premier rang, les autres debout derrière. Cassy prit place à côté de Léa, tentant vainement de dissimuler son visage. Le petit-fils du professeur Chen, qui se tenait à sa gauche, parut s'en rendre compte, car il la repoussa doucement du bras pour la placer en retrait, où l'ombre de ses cheveux hérissés masquait en grande partie ses traits.

Elle ne prononça pas un mot, à la fois heureuse et surprise de voir que son unique clause était si facilement acceptée. Il ne lui demanda pas pourquoi elle cherchait tant à être à l'abri de l'objectif, se contentant simplement de la dissimuler. Elle finit par lui adresser un sourire reconnaissant, mais elle ne fut pas certaine qu'il le vit.

Le soir venu, après le repas, Cassy resta assise sur son lit. Dormant comme à son habitude avec ses vêtements, elle fut la première couchée, bien avant que les autres ne soient en pyjama. Elle n'avait pas sommeil, mais elle tenait à éluder les questions au sujet de la proposition de Régis. Elle-même cherchait à se convaincre qu'elle avait fait le bon choix : la rapidité, à défaut de la sécurité.

Le comportement du garçon l'avait rassuré. Bien qu'elle l'intrigue sûrement, il semblait comprendre qu'elle ne veuille pas en révéler trop long sur elle. Cette marque d'attention la touchait. Finalement, elle n'avait peut-être rien à craindre de son départ chez le professeur Chen, si du moins son petit-fils arrivait à le convaincre de ne pas chercher à en savoir plus qu'il ne le fallait.

Cassy était allongée sur le flanc, en chien de fusil, tournée du côté de la fenêtre, lorsqu'elle entendit des bruits de pas dans la pièce. Regardant d'un oeil par-dessus son épaule, elle vit ses fidèles amies, Léa et Tina, s'approcher de son lit pendant que les autres sombraient dans les bras de Cressélia.

- C'est vrai que tu t'en vas ? demanda la rousse à voix très basse, afin qu'elles ne soient pas surprises hors de leur lit. Tu ne veux plus rester avec nous ?
- Non, pas du tout. Vous savez très bien que j'ai de l'affection à votre égard. C'est juste que, depuis le départ, je ne devrais pas être ici. Je suis trop âgée pour rester dans cette école. Chez le professeur Chen, je ferai la même chose, mais pour les adolescents, vous comprenez ?
- Mais pourquoi tu nous laisses ? se vexa Léa.
- Allons, allons, ce n'est pas la fin du monde. Jadielle n'est même pas à une heure à pied du Bourg-Palette. À dos de Ponyta, ça doit faire moitié moins. Je reviendrai vous voir, ne vous tracassez pas. Vous n'avez quand même pas cru que j'allais vous abandonner, non ?
- Bah... Si, un peu...
- Absolument pas. J'essayerai de passer aussi souvent que possible. Peut-être pas au début, car il faudra que je sois très assidue. J'ai beaucoup de choses à apprendre de vrais scientifiques, mais par la suite, je viendrai lorsque j'aurai un moment.
- Vraiment ?
- Si je vous le dis.

Elle vit le regard de ses camarades briller sous les rayons lunaires qui filtraient par la fenêtre. Tendrement, elle leur caressa les cheveux d'une main. Elles lui manqueraient sincèrement. Parfois, tout comme elle avait vu Éric en Régis, elle avait eu tendance à s'assimiler aux deux petites.

La naïveté de Léa lui évoquait la sienne, bien qu'elle se soit envolée depuis son départ, tandis que Tina avait en elle la même joie de vivre, qui s'était également atténuée. Elle avait l'impression de se revoir, enfant, insouciante, temps qui lui semblait désormais bien loin, alors que cette succession d'évènements désagréables était survenue seulement trois mois auparavant.

- Et qu'est-ce que tu vas faire, après ? Toi aussi, tu partiras en voyage initiatique ? Dans ce cas, tu pourras peut-être le faire en même temps que moi, puisque j'aurai le droit d'aller chercher mon premier pokémon en avril prochain, si j'obtiens plus de douze à mon test d'apprentie dresseuse, proposa Léa, fière de son idée.
- Ça m'aurait plu, mais je n'escompte pas me lancer dans le dressage. Je préfère plutôt l'élevage. Et je pense que lorsque j'aurai acquis suffisamment d'expérience, je me rendrai à Sinnoh.

Une petite moue triste apparut sur les traits des fillettes. Cassy les rassura en leur promettant qu'elles resteraient en contact, sachant malgré tout que cela serait difficile, car si elle retournait dans sa région natale, ce serait pour se lancer sur la trace des assassins de sa famille, mission qui pourrait se révéler aussi dangereuse pour ceux qui l'entouraient que pour elle-même.

- Pourquoi à Sinnoh ? questionna Tina. Nous l'avons étudiée en géographie, et il n'y a rien dans cette région que Kanto ne possède pas. Tu pourrais rester ici. Ce ne sont pas les pokémon rares qui manquent.
- De nos jours, avec le bateau, nous pouvons passer d'un endroit à un autre dans la même journée. Ce n'est pas aussi loin que vous semblez le croire. Et puis, pendant ce temps-là, Léa fera son voyage initiatique, toi, tu poursuivras tes études...
- Mais qu'y a-t-il là-bas pour que tu veuilles tant t'y rendre au lieu de rester ici ?

Cassy se força à leur adresser un sourire crispé, qui fut douloureux pour chaque muscle de sa mâchoire. Connaissant bien le tempérament de ses amies, elle savait qu'elles ne lâcheraient pas le morceau avant de lui avoir soutiré la moindre information. Elle songea qu'elle serait finalement peut-être tout aussi bien chez le professeur Chen, qui ne l'assénerait sans doute pas autant de questions, même si lui aurait probablement plus de difficulté à croire ses mensonges. Au terme d'un brève réflexion, elle dit :
- Mes parents sont originaires de Sinnoh. Ils vivaient là-bas avant de venir s'installer près de Parmanie. J'aimerais découvrir cette région où ils ont passé une grande partie de leur vie. C'est important pour moi.

Ils y auraient sûrement passé leur existence entière si d'autres gens sans scrupule n'avaient pas décidé de sceller leur sort par une mort atroce, sans laisser aucune trace de leur passage qui permettrait de les retrouver. Cassy se mordit la lèvre pour s'empêcher de pleurer, tandis que ses interlocutrices décidaient enfin de se coucher.

Raviver ses souvenirs avant d'aller dormir ne fut pas la meilleure des idées. Elle ne parvint pas à fermer l'oeil de la nuit, recroquevillée en boule sur son matelas grumeleux. Elle songeait à son ancienne chambre, qu'elle avait saccagée avant son départ, au confort de son habitation, et à la douceur du soleil levant sur les champs verdoyants.

Elle n'aimait pas Jadielle, ville grisâtre de béton, où les bâtiments se situaient quasiment les uns sur les autres, où l'espace manquait cruellement. Elle regrettait la campagne, pure, délicate, innocente. Par-dessus tout, elle désespérait de l'absence des siens, douleur insoutenable, même si elle se demandait parfois pourquoi ses parents ne lui avaient pas parlé de toutes ces choses qu'elle ignorait.

Ils étaient partis, la laissant seule dans l'incertitude, dans l'inconnu. Son frère s'en serait sorti sans peine, car il s'avait se tirer seul de situations délicates, mais elle, qui avait grandi dans un petit cocon douillet, cajolée et entourée de soins, elle se sentait seule, perdue, dans le monde froid et austère qui l'entourait désormais, et où elle errait à tâtons sans le moindre repère.
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