J'ai beaucoup aimé l'ambiance de ce livre, ça faisait que je n'avais pas lu une histoire transmettant aussi bien les sentiments du personnage. Je pense que le dernier devait être "1984" d'Orwell que jai lu au lycée, pour dire si ça fait un bail.

L'histoire en elle même est assez simple (une femme qui couche avec avec le jardinier alors que c'est interdit) et se concentre sur le quotidien inexistant de l'héroïne, ce qui la force à ressasser encore et encore ses souvenirs pour ne pas tomber dans la folie. Du coup, les souvenirs apparaissent des qu'il n'y a plus d'action soit n'importe quand. Ça m'a beaucoup perturbé au début mais au bout d'une cinquantaine de pages je m'y suis fait.

J'ai aussi beaucoup aimé le fait qu'il y ait d'autres sociétés dans ce monde qui vivent différemment et interagissent. Ça sort du schéma habituel et donne un côté malsain à l'histoire. Le monde entier n'est pas comme ça, des touristes peuvent même venir visiter donc tout le monde voit ce qui s'y passe mais personne ne fait rien (ni les touristes qui s'en rendent compte, ni les habitants qui pourraient demander l'aide facilement).

Mais mon passage préféré reste l'épilogue. Je le trouve encore plus angoissant que le reste du livre. Au premier abord ça rassure parce qu'on sort de cette atmosphère pesante, mais assez vite on sent un malaise à la façon dont ces gens du futur parlent de Defred. Ils la regardent comme une histoire sympa, un peu fascinés, remettant même en doute la véracité de l'histoire. Et pour moi c'était horrible, parce qu'après avoir lu toute l'histoire je me sentais encore sous le choc. Les voir ne pas prendre au sérieux l'histoire revient à dénigrer ce que moi en tant que lecteur j'ai ressenti juste avant.


Enfin bref j'aurais d'autres trucs à dire mais c'est déjà trop long.

la réaction de Defred face aux touristes japonaises. Elle se sent choquée de par leurs tenues et leur maquillage, tout en reconnaissant qu'elle même s'habillait ainsi avant. Je trouve ça fascinant ca montre l'adaptabilité qu'on a à se conformer aux règles de notre société, alors que d'après les indices laissés dans toute l'histoire il ne s'est écoulé qu'à peu près une dizaine d'années avant que Defred soit intégrée à la société. Ça montre que même si Defred hait cette nouvelle société, petit à petit elle s'y insère. Ca fait un peu flipper.

Il y avait aussi le réseau d'espions qui faisait très Orwellesque avec cette incertitude de chaque instant, permettant au réseau de rester clandestin mais sans permettre à ses membres de se sentir serein, les menant comme Defred a régulièrement douter de son existence même, ce qui pour moi est la preuve que c'est un échec.

A la fin de Martine à la plage, eh ben elle rentre chez elle.

J'ai bien aimé aussi l'ambiance mais comme tu dis, c'est un livre qui ne se lit qu'une fois. Je pense et maintiens que les sentiments transmis, presque sous forme d'un journal intime étant sa conscience, relève toujours du style de l'auteur pour ce livre, qui se rattache au courant de conscience (dont j'ai parlé une page plus tôt). Tout est dit dans le moindre des détails. On constate qu'elle commence à raconter puis tout à coup s'arrête net "Non je ne veux pas en parler.". Pour moi, c'est assez flagrant, ce doit être le deuxième ou troisième roman rattaché à ce style que je lis. Mais comme toi Polux, c'est la deuxième contre-utopie que je lis, avec 1984.

J'avais aussi envie de rebondir sur l'un de tes paragraphes parce que j'ai pensé exactement pareil. Le personnage principal finit par s'habituer à ce qu'elle vit, parce qu'on s'habitue à tout avec le temps, et c'est vrai.

"Personne ne fait rien" : c'est compliqué. Quand t'as plein de gardes armés autour, c'est chaud. Mais il me semble qu'ils ont évoqués à un moment un groupe ou un parti qui lutte hors de l'état de Gilead, ou je confonds avec la série. De même quand tu dis que l'histoire est simple "une femme qui couche avec avec le jardinier alors que c'est interdit". Tu sais qu'elle couche avec qu'à partir de la page 400 environ ? Sur 500 pages, on peut se demander ce qui se passe avant xD C'est dingue aussi la vitesse à laquelle elle en a plus rien eu à foutre de la résistance une fois qu'elle a commencé à voir Nick. Ce qui est horrible, c'est que ça me rappelle mes propres amies (ou ex-amies) qui n'en ont plus rien à faire de moi une fois qu'elles ont un copain. Comme si on existait plus. C'est aussi pour ça que cette histoire est criante de vérité sur beaucoup d'aspects. J'ai souvent apprécié le détail des sentiments et leur complexité.

Va falloir que je regarde si je trouve pas cet épilogue dans le livre (ou si tu peux me donner la page) parce que sérieux, j'ai pas cru en voir et pourtant j'ai jeté un oeil après la fin où elle se fait embarquer dans une camionnette sans savoir si elle va se faire lyncher ou libérer. C'est bizarre.

Je partage vos avis sur pas mal de point:
-L'écriture donne l'impression d'être "dans" la conscience de Defred. Ce qui est d'autant mieux que cela permet de comprendre comment une personne banale peut en venir à accepter ce régime. Je dirai même plus mon cher Dupont que cela met en avant le côté "anti-héroïque" du monde, c'est à dire: on a l'habitude des histoires où le/les héro(s) se rébelle(nt), se soulève(nt), se batte(nt) contre la mise en place d'un tel régime. Ici , c'est tout l'inverse: Defred est , en quelque sorte, une anti-héroïne mais elle n'est pas seul dans ce cas, toutes les personnes "ordinaires" le sont également: leur seule "rébellion" pour la plupart étant le ressassement de leurs souvenirs (jugés comme venant d'une époque blasphématoire). Il n'y a aucune action "héroïque/rebelle" de la part de Defred jusqu'au moment où elle commence à coucher avec le jardinier.

Ce côté "anti-héroïque" alors que notre culture nous abreuve d'héroïsme, me rappelle une nouvelle issu du recueil Le K de Dino Buzzati où le héro va au cinéma et, pendant la séance, un incendie se déclare. Il déclare avoir imaginé la scène/ ce scénario des centaines de fois: il aide les femmes, les enfants, hommes à sortir et reste en arrière, étant le dernier à sortir. Sauf que la réalité le rattrape le jour J: il panique, pousse les femmes, bouscule les enfants, voire assène des coups à quiconque se met entre lui et la sortie et est l'un des premiers à sortir.

Cela a contribué, pour moi, à ancrer cette histoire dans le réel: tout le monde voudrait de l'héroïsme mais la réalité est cruelle.

Et pourtant, une fois avoir lu l'épilogue, il y a un problème avec cette même écriture que j'ai adoré durant tout le livre.

Mais... comme je suis fatigué, ça sera demain.

To be continued...

La prochaine fois, pourrais-tu mettre un titre à tes spoils, s'il te plaît?
Car, étant donné que j'hésitais à le lire, là tu viens de me gâcher toute l'histoire

En lisant je me rends compte que ce n'est pas exactement ce que Polux a décrit, ou du moins, je ne l'ai pas pris de la même manière. Il y a certes une mise à distance de ce qui est raconté mais pas tant que ça de discrédit. On n'en sait pas plus sur la suite des aventures de June mais on a l'impression de tomber dans une communauté qui se prend pas pour de la merde...

Dans l'épisode précédent
Vous ne l'avez pas lu? Mais qu'est-ce que vous faites là?
Si vous ne l'avez pas lu, aller voir chez le voisin du dessus de ma voisine du dessus si j'y suis.
C'était le résumé de l'épisode précédent

Pour moi, l'épilogue casse complétement tout le style d'écriture mis en place.
Comme dit dans l'épisode précédent, on a vraiment l'impression d'être dans sa tête/conscience durant tout le livre.

Or, dans les notes historiques, il est dit que tout ce que l'on vient de lire sont des enregistrements sur bandes magnétiques.
De plus, il est dit que ces "cassettes ont été enregistrées à L'intérieur des frontières de Gilead plutôt qu'à l'extérieur et ensuite réintroduites en contre-bande pour servir au réseau clandestin "Mayday" "
Il y est également dit un peu avant qu'elle a probablement été enregistré dans une maison sûre de la Route Clandestine des Femmes où la narratrice a pu y être caché pendant des semaines voire des mois.

Là où je veux en venir c'est que je n'arrive pas à croire que ce que j'ai lu était uniquement des enregistrements.

Et pourtant, il a beau être écrit que "la narration a une certaine qualité réflexive" et "a un parfum d'émotions remémorées", je ne pense toujours pas que ce ne sont que des enregistrements tant l'écriture donne l'impression d'être dans la, si ce n'est d'être la conscience de Defred.
Personne, je dis bien personne, ne pourrait faire un enregistrement comme écrit dans ce livre au vu du contexte où se passe l'enregistrement. Si on voulait que je crois que tout ce que je viens de lire ne sont que des enregistrements, il aurait fallu enlevé le côté conscience de la narration (parce que les souvenirs, les corvées de tous les jours, ce qu'on ressent dans cette vie c'est normal pour un témoignage surtout avec une "certaine qualité réflexive" et "des émotions remémorées"). Ce côté conscience se reflète par exemple dans le premier paragraphe du chapitre 28 (page 285 livre de poche, navré mais j'ai la flemme de le recopier).

Bref, où le problème?
J'ai tellement aimé le côté réaliste de ce livre que ce léger manque de cohérence m'a frappé.
Si le livre avait été moins bon, je ne l'aurais sans doute pas remarqué.

Sinon, je pense plus comme zucchina vis à vis des notes historiques:
-mise à distance
-pas de discrédit mais des hypothèses de la part de ces "historiens spécialistes de l'époque Gileadienne".
-Et on sent qu'il se prenne pas pour de la merde, effectivement.

Je pense que la bande magnétique a été choisie parce que le style d'écriture précédent est fluide, on suit la pensée de la narratrice (comme je l'ai souligné déjà maintes fois, il s'agit du "courant de conscience", où les pensée et la conscience coulent littéralement sur les pages et dans les lignes écrites). Tant que j'y pense, je souligne la qualité de ce livre pour avoir transmis ces pensées alors que l'auteure n'a absolument pas vécu ce qu'elle écrit, ce qui relève d'une belle performance.
Je suis d'accord qu'il y a tout de même un petit décalage entre ce qu'on a lu et lorsqu'on nous dit que ce sont des enregistrements. Mais je pense tout de même que cela a été choisi précisément pour appuyer le style d'écriture qui nous livre chaque pensée qui passe par la tête de la narratrice (même si nous-même ne livrerions pas tel quel des souvenirs et nos propres pensées si nous étions enregistrés).