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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 3
Nom de l'œuvre : Les Racines Magnétiques Nom du chapitre : Premiers entrelacs
Écrit par Kailianna Chapitre publié le : 20/7/2010 à 18:07
Œuvre lue 14753 fois Dernière édition le : 1/9/2012 à 18:45
[Beo] « Tous les mousses sur le pont siouplaît ! Et plus vite que ça ! » , « Hé, le routier, on a besoin de toi dans la cabine du capitaine ! » , « La pilote ! Ramène-toi tout de suite ! ».

Depuis le début de l'après-midi, on entend hurler ce genre de choses à travers tout le vaisseau. Moi, j'suis tranquille jusqu'à ce soir, j'ai rempli ma part du marché : une énorme marmite de ragoût pour tout le monde ! C'est que ça creuse, de changer de vie.

Après le repas, tout l'équipage s'est réparti dans les cabines, plus par hasard que par réelles affinités. Me voici maintenant le colocataire de Jinko – un bon gars, ce Jinko, il m'inspire confiance – et de Neith, l'émetteur, qui assurera le contact radio entre la Nébuleuse, le Ministère et les différentes cité-bulles. Maintenant que la répartition des cabines est faite, j'attends le moment où elle se défera, où des femmes commenceront à coucher dans les lits des hommes et inversement ! On ne peut décemment pas espérer que tous les Corsaires vont se tenir sages pendant les années à venir. Quelque chose me dit que la vie à bord de la Nébuleuse va être particulièrement mouvementée.

[Sirus] Le rôle d'un routier ? Tracer l'itinéraire du vaisseau, faire en sorte que la route à suivre soit la plus directe et la plus sûre possible. Deux paramètres qui ne font pas bon ménage, d'ailleurs. Les nombreuses années que j'avais passé en formation avaient consisté en divers apprentissages. Tout d'abord, apprendre la géographie d'Eleis. L'apprendre sur le bout des doigts, mémoriser l'emplacement des forêts, des zones arides, des cours d'eau, des chaînes de montagnes, tout ceci à partir de cartes imprécises, que tout routier se devait de compléter au fil du voyage. J'étais le seul, sur ce vaisseau, à avoir la moindre idée de ce qui nous attendait dehors. J'avais également acquis des notions de commerce, puisque l'un des rôles des Corsaires était de véhiculer certaines marchandises entre les cité-bulles.

Je fus sollicité dès la première après-midi, et fut ainsi l'un des premiers à avoir l'honneur de découvrir la cabine du capitaine, ainsi que le désordre innommable qui y régnait déjà. Des cartes, des cahiers, des instruments de mesure divers et variés, des crayons, des objets inconnus jonchaient la large table en bois. Le capitaine, qui m'avait fait appeler dix minutes plus tôt, était absorbé dans la rédaction de je ne sais quel récit. Il leva les yeux lorsque j'entrai dans la pièce.

- Ah, notre routier ! s'exclama-t-il, se levant pour venir m'accueillir.

Par ma barbe, qu'est-ce qu'il était petit.

Il n'eut pas le temps de prononcer un seul mot de plus que déjà, quelqu'un d'autre entrait dans la pièce. Les présentations avaient eu lieu tout à l'heure, mais j'avais déjà oublié le nom et la fonction de celui-ci.

- Voici notre magnéticien, reprit Nabion. Lao, c'est bien ça ?

L'intéressé acquiesça d'un signe de tête. Je lorgnai plus en détail le jeune homme, avec qui, de toute évidence, j'allais être amené à collaborer étroitement. Il avait un visage très juvénile. Une peau de bébé, lisse, duveteuse, très blanche, sans aucune imperfection, et de grands yeux tranquilles qui regardaient le monde avec une innocence des plus enfantines. Pour ne rien arranger, il était exagérément chétif, ce genre de personnes qu'une simple rafale aurait pu emporter.

- Lao, Sirus, installez-vous au bureau avec moi. Il est peut-être un peu tôt mais je voudrais que nous commencions à définir l'itinéraire de la Nébuleuse pour ses premiers jours.

Nous nous assîmes d'une part et d'autre du capitaine, autour d'une carte relativement précise des environs d'Arrakas.

- Eh bien, j'ai deux propositions à vous soumettre, commençai-je. Nous sommes le septième équipage de toute l'histoire des Corsaires à partir d'Arrakas. Les équipages qui sont partis des autres cité-bulles n'ont jamais eu ce genre de problèmes, car elles sont toutes entourées de plusieurs kilomètres de plaines. Mais Arrakas a ceci de particulier qu'elle est bordée par une chaîne de montagnes, qui se trouve à quelques jours en aval. Nous avons donc deux possibilités. Soit nous faisons comme les six précédents équipages d'Arrakas l'ont fait avant nous, c'est à dire contourner cette chaîne de montagnes, soit nous passons par là.

Je pointai du doigt le col d'Échinée sur la carte, situé à peu près au milieu de la chaîne de montagnes. Lao fronça les sourcils, émit un petit toussotement et me regarda, l'air grave.

- Si aucun des autres équipages n'est jamais passé par là, c'est qu'il y a une bonne raison. Ce col est très haut en altitude, à cette hauteur les flux magnétiques sont absolument imprévisibles, ils échappent à toute logique. Si la Nébuleuse s'engage dans ce col, nous courrons le risque d'affronter une tempête magnétique. Un équipage expérimenté peut affronter ce genre de choses sans trop de problèmes, mais nous ! Nous aurons à peine quelques jours de pratique derrière nous. C'est de la folie. Mieux vaut démarrer tranquillement et contourner la chaîne de montagnes.

Je me tournai vers le capitaine afin d'obtenir son avis. J'avais toujours eu un côté assez aventureux, voire déraisonné, et l'idée de passer par ce col me trottait dans la tête depuis longtemps. Je m'attendais néanmoins à cette réaction de la part des autres.

- Je suis d'accord avec Lao, répondit Nabion. Il est vrai que nous avons tous passé plus de dix ans en formation afin d'en arriver à un très haut niveau dans nos domaines de compétences respectifs, mais tout ceci n'a jamais été que de la théorie. Il nous faudra un certain temps pour réellement maîtriser les choses. Mieux vaut commencer doucement.

Je n'insistai pas, et m'emparai donc d'un des crayons qui traînaient sur la table.

- Dans ce cas, nous effectuerons la trajectoire suivante. Tout d'abord, il nous faudra une semaine pour avoir les montagnes en vue, peut-être un peu plus si les débuts sont laborieux. Cette étape ne devrait pas être problématique, il s'agit essentiellement de plaines, et nous passerons au-dessus de plusieurs lacs. Vous demanderez confirmation à nos deux chasseurs, mais il me semble que cette zone est particulièrement riche en gibier, peut-être que ça vaut le coup de faire quelques réserves. Pour contourner les montagnes, ce sera un peu plus délicat, mais mieux vaut en reparler le moment venu, ce n'est pas bon de prédire son itinéraire trop à l'avance.

- Parfait. Quelles sont les prévisions en ce qui concerne les flux magnétiques, Lao ?

- Ils se tiennent tranquilles pour le moment. Je ferai des vérifications chaque jour, mais je pense que nous avons l'assurance de quelques semaines de tranquillité. C'est le début de la saison creuse, les premiers problèmes ne sont pas pour tout de suite.

Nous nous quittâmes sur cette idée. Bien entendu, aucun d'entre nous ne se doutait à quel point nous nous trompions.



[Nabion] Drôle de situation que de rencontrer tous ces gens, avec leurs manières, leurs tronches et leurs attitudes, quand on se dit qu'on va passer les vingt prochaines années ensemble ! Me voilà capitaine d'une flopée d'inconnus. Et bien sûr, la grande peur de tout capitaine avant le départ m'habite : est-ce qu'on va être à la hauteur ? C'est qu'ils ont tous l'air si jeunes, et pour certains, pas du tout taillés pour l'aventure ! Pas de place pour la sensiblerie à bord de la Nébuleuse, on ne peut pas se le permettre. Personne n'a idée de ce qui nous attend dans le Dehors. Pas même moi.

Faut dire quand même que quelques visages m'ont marqué, durant les présentations. Ce mousse par exemple, Jilal. On lit dans son regard que c'est un dur, celui-là ! Et puis il a une bonne carrure. Ce gars-là sera efficace, y'a pas de doute. Par contre, la petite, là, Lazuli, il me semble, je suis plus sceptique. Qu'est-ce qu'une gonzesse vient faire en tant que mousse ? Un mousse, il lui faut des muscles, des bras et des jambes, c'est qu'ils ont un travail coriace à faire à bord du vaisseau. Et puis, c'est pas tout, j'ai bien remarqué son regard fuyant et sa façon de parler, très doucement, comme si elle avait peur qu'on lui reproche quelque chose. Celle-là, faut qu'elle s'endurcisse, sinon elle fera pas long feu par ici. Quant aux chasseurs, eux, je sens qu'ils nous réservent quelques surprises. Va falloir que je les aie à l'œil ces deux-là. J'ai bien vu leurs rictus moqueurs lorsque je me suis levé ! Ils vont voir ce qu'ils vont voir, j'ai beau être petit, je ne suis pas un capitaine de pacotille, ça non.

Cette semaine de préparation, c'est presque une colonie de vacances. On met les dernières petites choses au point, on découvre qui est qui, et voilà tout. Non, le vrai défi, ce sera la première semaine de navigation. Là où nous devrons tous faire nos preuves.



[Jinko] A la fin de la journée, nous nous retrouvâmes tous dans la salle à manger autour d'une soupe à la couleur douteuse, mais exhalant une délicieuse odeur, concoctée par Beo.

- Tok', toi qui est un gentleman, sers donc ces braves gens ! s'exclama Hakks, assis en face de moi.

Tokus exécuta une petite révérence ridicule, s'empara de la louche et remplit l'assiette de Täher, placée juste à côté de lui.

- Et vous vous dites les deux chasseurs de l'équipage... Comment comptez-vous nous ramener à manger ? En appâtant le gibier avec des blagues ? ironisa Täher, qui, comme nous tous, avait très bien cerné la nature joviale et farceuse du binôme.

- Tiens, toi tu es notre jeune pilote, n'est-ce pas ? fit Tokus, un grand sourire aux lèvres. Détrompe-toi, nous avons du matériel, et plus d'un tour dans notre sac. Je voudrais bien voir ton air quand on te ramènera un superbe ptérycle pour le déjeuner.

- Un ptérycle ? Qu'est-ce que c'est ? s'enquit la jeune femme.

- L'un des plus beaux volatiles que l'on peut trouver dans le Dehors, répondit Tokus, un soupçon de fierté dans le regard. Hakks et moi, on a passé des années à apprendre et mémoriser toutes les sortes de bestioles existantes, et le ptérycle, il compte parmi les plus impressionnants, ça ouais. Il a des ailes immenses, un plumage d'un bleu comme tu n'en as jamais vu, un long bec rouge écarlate, et des serres tranchantes.

- Et une chair délicieuse, à ce qu'il paraît, ajouta Hakks.

- Mais enfin, pourquoi voulez-vous ramener à manger, on se régale déjà tellement avec cette soupe ! s'exclama le mousse que j'avais repéré aux présentations, Jilal, une pointe d'ironie dans la voix.

Beo, à l'autre bout de la table, ne laissa pas passer cette occasion de défendre sa cuisine.

- Ne t'inquiètes pas l'ami, pour l'instant je suis limité en ingrédients, mais dès que nous
serons partis je te garantis que ce réfectoire va devenir un lieu de haute gastronomie !

Jilal haussa les épaules et se replongea dans la contemplation de son assiette fumante, qui semblait bien insuffisante pour nourrir ce colosse. Ce fut le moment que choisit Pietro Rasgutt, assis à l'autre table aux côtés du capitaine, pour se lever. Il s'éclaircit la voix, attendit que le silence se fasse, et prit la parole.

- Cette première journée arrive à son terme. Sachez qu'il reste énormément de travail pour le départ, et que ce jour-là, vous serez tous débordés et courrez dans tous les sens. Mais nous n'en sommes pas encore là. Demain, après le petit déjeuner, vous recevrez la visite pour quelques heures de Lizbeth Blund, ex capitaine du Tesaurus. Lizbeth a également été la Tutrice de Nabion. Soyez ponctuels, cette entrevue est très importante...

- Bah ça alors ! s'exclama Hakks lorsque Rasgutt se fut rassis. Notre capitaine a eu une ex Corsaire comme Tutrice ? Ça doit être le privilège de la fonction, ça. Notre Tuteur à nous n'a jamais foutu un pied dans le Dehors !

Au risque de passer pour un ignare, je posai néanmoins la question qui me taraudai depuis quelques instants.

- Je n'ai pas très bien pigé. Qu'est-ce qu'un Tuteur ? demandai-je à mes voisins de tablée.

Lao, le magnéticien, assis non loin, leva un sourcil désapprobateur, comme si j'avais posé la question la plus idiote au monde.

- Tu plaisantes j'espère ! fit-il d'un ton légèrement moqueur.

- Ça va, il est mousse, il n'a pas suivi le même parcours que nous, comment veux-tu qu'il sache ce genre de choses ? répondit la jeune Täher, l'air agacée par cette remarque.

Elle se tourna ensuite vers moi.

- Je vais t'expliquer. Mis à part les mousses, nous avons tous débuté notre formation à six ou sept ans, guère plus. Les Tuteurs, ce sont en quelques sortes nos professeurs. Nous en avons tous eu un, qui s'est consacré entièrement à nous durant toutes ces années, dans le but de nous faire exceller dans notre domaine. Certains de ces Tuteurs sont des érudits qui ont acquis énormément de connaissances afin de pouvoir les retransmettre, d'autres sont d'anciens Corsaires. Nabion n'est pas le seul d'ailleurs, mon Tuteur a également été pilote à bord d'un vaisseau de Corsaires durant de longues années.

Cette petite explication, en plus de combler mes lacunes, m'avait permis d'observer plus attentivement la jeune femme. Elle parlait rapidement, avec une assurance qui semblait des plus solides, et avait planté ses grands yeux noirs dans les miens pour ne plus les en décrocher jusqu'à la fin de son explication. Ses cheveux d'un blond cendré, coupés aux épaules, étaient si volumineux que je leur aurai volontiers donné le nom de crinière plutôt que de chevelure. Täher, avec son air sauvage et sa peau mate, avait tout à fait le profil d'une aventurière.

Je me sentis soudain bien fade à côté de tous ces singuliers personnages. Tous avaient un petit quelque chose qui les différenciait des autres et les ancrait dans la réalité. De plus, ils avaient la connaissance, l'expérience. Je réalisai que je ne savais rien. J'étais un nouveau-né qui avait débarqué dans l'univers des Corsaires par une série de hasards, rien de plus. J'avais par ailleurs déjà commencé à percevoir le désintérêt total des autres membres de l'équipage pour les mousses. Sans doute pensaient-ils qu'ils n'avaient rien à partager avec nous, qui n'avions pas connu les longues années de formation. Je compris que la véritable intégration au sein de l'équipage allait être longue. Il allait falloir faire ses preuves.



[Jilal] Regardez-moi ces recrues ! On dirait des gosses à qui on vient d'offrir un beau jouet. C'est qu'il a de la gueule, notre vaisseau, y'a pas à dire. Sûrement le plus beau leurre que cette terre ait jamais porté. Pourquoi qu'ils auraient mis des voiles sinon ? Et cette figure de proue ? Des accessoires pour attiser l'imagination des gamins, rien de plus. Mais moi ils ne m'auront pas, ça non. Je sais qu'on va trimer à bord de ce vaisseau, et je suis fier d'avoir dévoué mon corps à la Nébuleuse.

Elle me fait rire, la petite Lazuli, toute menue, toute timide, qu'ose même pas soutenir un regard. Pourquoi elle s'est engagée comme mousse celle-là ? Elle s'en sortira jamais, la petite. Je sais déjà que c'est moi qui ferait le meilleur boulot. C'est que j'suis fait pour ça, je l'ai toujours su. Bâti pour les travaux difficiles, pour les boulots qui demandent de l'endurance et de la puissance. J'ai un fauve dans le ventre, moi, je lâcherai pas prise, je le sais. Nul vaisseau n'aura connu de mousse aussi increvable que Jilal Arcadia, c'est moi qui vous l'dit !



[Elke] La journée avait été très dense, amenant avec elle tout un lot de découvertes et de rencontres. « Bientôt, vous serez comme une famille » m'avait dit Dulcha, mon Tuteur. Il n'avait jamais été Corsaire, mais avait toujours suivi de près tout ce qui concernait les vaisseaux, et avait agrémenté mon apprentissage de diverses histoires, toutes plus extraordinaires les unes que les autres.
Pendant la répartition des cabines, Lazuli, Täher et moi nous étions tout naturellement mises ensemble. Trois femmes seulement sur un équipage de quatorze Corsaires, c'était une raison suffisante pour se découvrir immédiatement une affinité ! Aussi la conversation commença-t-elle à s'installer lorsque nous regagnâmes la cabine.

- Je suis épuisée ! m'exclamai-je en m'affalant dans ma couchette. J'ai passé la journée dans la salle des machines, ces moteurs sont un petit bijou de technologie, c'est fascinant, mais ils sont terriblement complexes !

Täher sourit à ma remarque.

- Je vois ça, tu es pleine de cambouis !

Je jetai un œil à ma salopette, qui, effectivement, avait tout bonnement changé de couleur. Il faudrait que je songe à faire plus attention, à l'avenir, si je voulais qu'on continue à me considérer comme une femme et pas comme une misanthrope qui n'avait d'amour que pour ses moteurs et autres mécanismes obscurs.

- Eh bien moi, reprit la jeune pilote, malgré la journée très dense que nous venons de passer, je n'ai qu'une envie, c'est de m'échapper de cette cabine et d'aller explorer plus longuement le vaisseau.

- Mauvaise idée si tu veux mon avis, rétorquai-je, le nain qui nous sert de capitaine m'a l'air d'être un grognon.

Nabion faisait partie des personnes qui ne m'avaient pas fait bonne impression. Il m'avait tout l'air d'être de ces hommes grincheux et caractériels, persuadés de n'avoir jamais tort. Je m'en voulais d'entretenir de tels préjugés dès le premier jour, hélas, on ne peut pas lutter contre les premières impressions.

Je regardai Lazuli, dans son coin, qui défaisait son sac et s'installait dans sa couchette sans rien dire. Täher aussi semblait avoir remarqué ce silence, sans doute dû à une grande timidité – pauvre Lazuli, elle allait se faire bouffer par le reste de l'équipe si elle ne se mettait pas un peu en avant – puisqu'elle l'interpella aussitôt.

- Hé Lazuli, on ne va pas te manger tu sais, fit la jeune pilote, un large sourire imprimé sur le visage.

Täher semblait tout à fait à l'aise. Elle n'avait aucune pudeur, aucune retenue, et semblait être tout à fait dans son élément à bord de la Nébuleuse. Celle-là, elle avait dû naître avec un gouvernail entre les mains.

Lazuli nous regarda l'une après l'autre.

- Je n'ai rien de particulier à dire, vous savez. J'ai l'impression d'être arrivée là par hasard, je n'ai aucune expérience, aucune formation.

- Et alors, tant que tu mets le cœur à l'ouvrage ! renchérit Täher.

- Tu as ta place ici autant que n'importe lequel d'entre nous, ajoutai-je en m'asseyant à côté de la jeune femme. Bientôt tu le ressentiras, en apprenant à connaître tous les autres. Nous sommes un groupe, il ne faut pas que tu t'exclue de cette unité.

Tout en regardant la jeune femme, je me fis la remarque qu'elle devait sans doute son prénom aux deux immenses lacs azurés qui lui servaient d'yeux. Elle avait des airs de poupée, si fragile et si délicate qu'elle ne pouvait que susciter l'affection chez moi.

- Tiens, reprit Täher, il y a une question qui me trotte dans la tête depuis quelques temps. Si vous n'avez pas de formation, alors comment le Ministère recrute-t-il les mousses ?

Täher avait particulièrement appuyé sur le mot « Ministère », et sa bouche s'était tordue, exprimant un genre de dégoût, comme une colère qu'elle peinait à contenir.

- La campagne de recrutement débute un an avant le départ du vaisseau, expliqua Lazuli. Le Ministère se débrouille pour faire passer le message en placardant des affiches, en faisant des annonces publiques, en déléguant des représentants pour rechercher d'éventuels mousses, bref, la population est mise au courant et les partants sont invités à un rendez-vous pour une série de tests physiques et d'examens médicaux. Oh, je sais ce que vous pensez, fit-elle en voyant se lever un sourcil interrogateur sur mon visage, comment ai-je pu être sélectionnée, moi qui suis si chétive ? A vrai dire, je ne le sais toujours pas. Tous les autres concurrents avaient des carrures impressionnantes et des muscles à en faire pâlir n'importe qui. Mais je crois que j'ai bien réussi la plupart des tests d'endurance, et j'étais en bonne santé... bref, j'ai passé la première étape.

Au fond, ça ne me déplaisait pas. J'avoue que de me retrouver avec quatre ogres taillés dans du métal à bord m'aurait quelque peu déstabilisée.

- Mais la véritable épreuve, c'était la deuxième partie du test, reprit Lazuli. Nous avons de nouveau été convoqués dans un bâtiment au cœur d'Arrakas, à une heure précise. Nous étions plus d'une centaine, je me rappelle. Je suis arrivée, je me suis assise et j'ai attendu, en regardant autour de moi, persuadée que je ne décrocherai jamais le poste. Et puis l'heure tournait, et personne ne venait. Certains ont commencé à dire qu'on nous avait oublié, qu'on s'était moqué de nous, que personne ne viendrait. Au bout d'une heure, les plus découragés ont commencé à partir. Et puis la salle s'est vidée, très doucement. L'enjeu était tellement important ! La plupart sont restés très longtemps. Au terme de la première journée d'attente, nous n'étions plus que la moitié. Au bout de deux jours, nous étions une vingtaine à rester. Enfin, dans la nuit du troisième au quatrième jour, il ne restait plus que nous quatre. Dink, Jilal, Jinko et moi. Nous faisions partie de ceux qui avaient amené une bouteille d'eau sur eux, ce qui nous a permis de tenir le coup. Cela dit, on n'était pas beaux à voir... épuisés, la faim nous tiraillant le ventre. Un employé du Ministère est arrivé et nous a dit que nous avions réussi et que nous étions engagés. Cette épreuve avait pour but de voir lesquels d'entre nous désiraient le plus ardemment faire partie de l'équipage. Pour être mousse, il fallait être capable de se dévouer entièrement à ce simple espoir. Après quoi, pendant les mois restants, nous avons eu une rapide formation afin de nous donner un avant-goût des tâches que nous aurions à effectuer à bord du vaisseau. Et nous voilà à présent.

Je restai sans voix à la fin du récit de Lazuli. Faire attendre ainsi des candidats pendant trois jours, sans rien à boire ni à manger, relevait du supplice ! Il y avait de quoi devenir fou. Je saluai silencieusement le courage de la jeune femme, plus convaincue que jamais qu'elle avait sa place parmi nous.
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